Séance du 11 janvier 2018
Raphaëlle Moine, « Ce que l’âge fait aux acteurs : des stars entre obsolescence et renouvellement, monstruosité et réjuvénation à l’heure du papy boom ».
Raphaëlle Moine est professeure en études cinématographiques et audiovisuelles à l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3 (IRCAV). Elle est l’auteure de Les Genres du cinéma (Armand Colin, 2002), Remakes : les films français à Hollywood (CNRS, 2007), Les Femmes d’action au cinéma (Armand Colin, 2010) et Vies héroïques : Biopics masculins, biiopics féminins (Vrin, 2017).
Tout peut arriver, Nancy Meyers, 2003
Raphaëlle Moine explique en préambule que son intervention est issu d’un travail sur le vieillissement des acteurs, fruit d’une recherche collective, avec Charles-Antoine Gourcout et Gwenaëlle le Gras.
Ce travail est issu d’une constatation : le contexte démographique a fait du vieillissement un nouveau thème. Depuis les année 2000 il y a une plus grande variété des représentations du vieillissement au cinéma. Raphaëlle Moine rappelle également que les stars ont une image sociale et médiatique qui n’est pas uniquement construite par rôle. Il faut également se poser la question de ce que les stars font à l’âge. Une star a la capacité d’exprimer à son insu parfois, des aspiration, des normes, des contradictions. Si on considère que la star est intertexte médiatique, cela veut dire qu’elle en mesure de modifier les représentations. Si on voit star vieillir, cela va pouvoir renforcer normes de ce qu’est bien vieillir ou encore mal vieillir.
Pourquoi s’intéresser au phénomène du vieillissement aujourd’hui
– La place proéminente du vieillissement dans les sociétés euro-américaines :
Il s’agit d’une économie de niche, que l’on appelle la Silver économie. Face à cette question du vieillissement il est logique que le cinéma et télévision le prennent davantage en compte.
Cela entraîne t-il une visibilité médiatique nouvelle des séniors et des personnes âgées ? Raphaëlle Moine donne des exemples que l’on trouve dans la publicité, avec des représentations ambigües qui joue encore de l’effet comique. Elle met également en évidence l’apparition de films qui vont renouveler des genre très varié en remplaçant les jeunes par des vieux, comme Space Cowboy ou Calendar Girls. En ce qui concerne les films d’action, les acteurs ont vieilli. Cela est accentué par la logique sérielle de certaines franchises, comme Terminator ou Rocky. Outre les films d’action, on distingue une autre tendance, celle des films « feel good movie », dans le registre de la comédie, qui visent un public de senior.
– Les limites à cette nouvelle visibilité :
C’est également une visibilité genrée. L’AAFA (actrice et acteur associés) met en évidence le « tunnel de la femme de 50 ans », avec une baisse du nombre de rôle très important pour les femmes à partir de 50 ans jusqu’à environ 75 ans. Il y a donc 25 années de vie sans aucun modèle ni discours. Raphaëlle Moine pointe le fait que les stars puissantes plus « épargnées » que les comédienne ordinaires. Il existe de façon général un double standard du vieillissement, en fonction de si cela concerne des femmes ou des hommes.
– Le vieillissements des baby-boomers 45-72.
La génération baby-boom s’est construite contre les valeurs précédente, sur des valeurs de jeunesses. Des acteurs comme Nicholson et Depardieu ont incarné un idéal de jeunesse. Notons ainsi que les syndicat des acteur font pression pour enlever l’âge sur IMDB.
– Les Stars problématisent le vieillissement :
Les stars sont vecteurs des contradictions, des normes et des aspirations contradictoires (numéro spécial de la revue Celebrity Studies (Deborah JERMYN[dir.], Celebrity Studies, Special Issue: Back in the Spotlight: Female Celebrity and Ageing, Routledge, vol. 3, n° 1, 2012) .
Plusieurs éléments sont pointés par Raphaëlle Moine :
. Comment articuler statut icône glamour avec le vieillissement ?
. Stratifications d’images passées/présentes. Les stars a l’aura plus stable sont les stars décédées ou retirées (Monroe, James Dean, Garbo)
. Starification et abjection qui va avec « le scandale de l’anachronisme » comme la formulé Mary Russo, c’est à dire la disqualification sociale qu’entraîne le fait de se soustraire aux normes de l’âge (attitudes, chirurgie, tenue).
. Double standard genré du vieillissement. Il y a donc des perspectives intersectionnelles entre les Star studies/Age studies.
Etudes de cas
- Etude d’un film : Tout peut arriver avec Jack Nicholson et Diane Keaton
C’est une comédie romantique où la question de l’âge intervient à plusieurs reprise. Analyse d’une séquence de sexe entre les personnes qui banalisent la sexualité personnage vieillissant tout en ne s’interdisant pas de parler des désagréments de l’âge. Le découpage du pull over et la prise de tension soutien à la fois l’érotisme et le comique. C’est une scène qui met en évidence le réveil de la sexualité pour le personnage incarnée par Diane Keaton, la femme passive et ciseau phallique, rétabli la toute puissance de la masculinité de Jacques Nicholson. Le découpage du pull over maintient une norme de genre très fort : homme qui sait y faire. Puis l’interruption pour la prise de tension réinscrit le vieillissement dans la séquence et montre la reprise en main par de Diane Keaton sur son partenaire. Notons également la limite du film normatif car le film sous entend que deux partenaires doivent avoir le même âge. De plus même les deux acteurs ont le même importance dans le film, tous les discours de promotion du film se sont focalisés sur Jack Nicholson.
- Vieillissement d’une star : Gérard Depardieu (2000-2016) né en 1948
Au premier abord ce qu’on va trouver sur Gérard Depardieu , c’est l’idée la vieillesse est un naufrage associé au laisser aller physique. Il y a l’idée récurrente que Depardieu vieillit mal. Mais il faut distinguer Depardieu en tant que star (avec un mode de vieillissement condamnable) et en tant qu’acteur où il parvient à conserver ou a recouvrer l’entièreté de son prestige artistique. Il y a une dissonance entre acteur et célébrité. Dans un sondage en 2013, 61 % des personnes interrogées mauvaise image mais 88% bon acteur.
. Reconfiguration sous le signe de l’âge : prolongement, déplacement et amplification. Les traits sont restés les mêmes, avec au début l’image loubard comique associé macho fragile puis en deuxième période, la star des super productions patrimoniales (Rodin, Balzac, Obélix). A l’heure actuelle, c’est ce qu’on retrouve dans sa personna : l’image de la rébellion, marginalité, excès, bigger than life. En vieillissant, il a réussi a passer de la contre culture 68 dans la culture du scandale du début du 21 siècle
. On trouve aussi dans les rôles actuel de Gérard Depardieu une continuité assez net en lien avec la filmographie qui précède (patrimonial, comédie populaire avec tandem et film d’auteur) . Ce qui est nouveau ce sont ses second rôle comme guest star et l’apparition de quelques rôles qui thématisent le vieillissement.
. Parfois on remarque une double réflexivité qui thématise Depardieu jeune/Depardieu vieux et Depardieu homme /Depardieu personnage. On pense à des films comme Quand j’étais chanteur, Mammuth, Je n’ai rien oublié. Ce sont des films qui sont souvent analysés comme des documentaires sur Depardieu avec des clins d’œil à sa filmographie.