Image de synthèse et création cinématographique

Conférence du 10 décembre 2015,

Anne-Laure George-Molland est Maître de conférences en Arts et Technologies de l’Image, successivement à l’université Paris 8 (2010-2014) puis à l’université Montpellier 3, titulaire d’un doctorat-cifre en Esthétique, Science et Technologie des arts. Sa Thèse portait sur « La collaboration au coeur du processus de création des oeuvres audiovisuelles numériques : analyse des transformations apportées par le développement des technologies et par l’évolution des savoir-faire. »

Spécialiste de la création artistique en images de synthèse, membre du laboratoire de recherche RIRRA21 et chercheure associée au groupe Image Numérique et Réalité Virtuelle du laboratoire Art des Images et Art contemporain.

 

Anne-Laure George-Molland explique tout d’abord son parcours. En effet, elle a associé un parcours professionnel dans des studios d’animation et de post-production numérique à son parcours universitaire. Ainsi elle fait remarquer le paradoxe entre la perception de sa formation, jugée généraliste par le milieu professionnel (image de synthèse, programmation, rendu) et considérée comme très spécialisée sous l’angle universitaire.
Les images de synthèse ont une place de plus en plus grande dans la fabrication cinématographique, avec l’arrivée de nouvelles technologies qui offrent de nouvelles possibilités et qui influencent la création. L’image de synthèse peut être utilisée de façon indépendante, dans des films d’animation en images de synthèse, dans des films en prise de vue réelle pour des VFX ou encore comme un outil de tournage, avec la prévisualisation.
La prévisualisation 3D consiste à fabriquer en images de synthèse certaines séquences avant le tournage. Dans les années 80, cela a été utilisé d’abord pour le motion control, puis il y a eu un essor dans les années 90, avec des films comme Batman ou Starship Troopers ), ou la création en 92 du département previs d’ILM. Aujourd’hui, il y a une démocratisation de cet outil, lié à l’abondance d’effets spéciaux. La previs a plusieurs intérêts :
– Tout d’abord artistique, pour anticiper une mise en scène.
– Technique, se rendre compte de la faisabilité du plan ou des décors à construire.
– Economique, c’est une étape à faible coût, qui permet de prévoir et de gagner du temps au moment du tournage (et donc de l’argent).
On peut citer la possibilité de la postvis qui consiste à mêler les images numériques à la PDV pour aider à la sélection et à la validation de plans pour le montage (images des premières projections).
Il existe enfin la possibilité de la previs on set, c’est-à-dire en direct (temps réel) sur le plateau, pour voir une projection avec les VFX qui seront développés ensuite en post-production. Cela a été popularisé avec Avatar. On peut citer le projet de Cédric Plessiet « Outilnum » à l’INREV, innovant par l’usage qu’il fait des outils de réalité virtuelle, tel qu’un casque oculus, pour immerger les acteurs de motion capture dans le décor virtuel, ou encore la réalité augmentée sur une tablette pour modifier en temps réel le décor virtuel sur le tournage.conference-anne-laure-george-molland-corrige1-2
En France il y a des freins importants au développement de la prévisualisation et les demandes sont rares : pas assez de “gros” films, des raisons budgétaires sont invoquées (travail qui ne se voit pas à l’image), peu de personnes ont des idées précises sur ce que peut apporter la previs et les réalisateurs privilégient souvent une liberté créative spontanée, ce qui est incompatible avec cet outil.
En dehors de la prévisualisation, il y a trois autres préoccupations majeures pour les VFX :
– Reproduire la caméra : tracking
– Reproduire le décor : scan/ photogrammétrie. On prend des photos du modèle sous différents angles pour le modéliser « automatiquement »
– Reproduire l’ambiance lumineuse (image base lighting IBL)
L’enjeu est, de longue date, celui du photoréalisme. Souvent l’aspect « mathématiquement parfait » des images 3D les rend froides, et donc paradoxalement on dégrade ces images pour les rendre plus réalistes (ajout d’aberrations optiques et chromatiques, de bruit, de profondeur de champs, de poussières etc.). L’objectif du photoréalisme est associé à celui du temps réel, en convergence avec les progrès du jeu vidéo. Mais obtenir ce photoréalisme en temps réel doit-il être la seule perspective d’évolution pour l’image de synthèse ?
Dans ce contexte, Anne-Laure George-Molland pointe d’autres perspectives :
– L’exploration des rendus dits « expressifs » (non photoréalisme), pour proposer d’autres expériences esthétiques aux spectateurs, et sortir l’image de synthèse du cliché blockbuster auquel elle est trop souvent associée.
– L’exploration de nouvelles méthodologies de travail. Par exemple, le projet LUMEN, où Anne-Laure George-Molland travaille sur la notion de rendu en images de synthèse en collaboration avec le chef opérateur Arthur Cloquet. Elle s’inspire du travail des chefs-opérateurs, et démontre que le monde de l’image de synthèse manipule des outils ou paramètres similaires (températures de couleur, focales, dynamique, etc) avec une moindre richesse langagière et des interfaces qui mériteraient un lien plus étroit avec la réalité technique et artistique de la manipulation de l’éclairage.
– Inventer une autre façon de produire en inscrivant la chaîne de fabrication « dans un écosystème éthique et écologique » (usage et développement des logiciels libres, partenariat avec les écoles publiques, économie circulaire pour les équipements, usage réfléchi des ressources).

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