La collaboration entre un scénariste et un réalisateur, retour sur expériences

Séance du 21 février 2019

Caroline San Martin est titulaire d’un doctorat en études cinématographique de l’université Aix Marseille et d’un doctorat en littérature comparée à l’université de Montréal. Après avoir enseigné dans plusieurs universités françaises et d’Amérique du nord, elle a été chargée de cours et responsable de recherche à La Fémis. Elle est désormais maîtresse de conférences en écritures et pratiques cinématographiques de l’université Paris 1 – Panthéon Sorbonne, membre de l’équipe d’accueil ACTE et membre associée de SACRe. Ses recherches portent sur l’analyse de film, les liens entre esthétique et histoire des arts de la représentation et sur la narratologie. Elle a publié dans plusieurs revues en études cinématographiques dont les éditions Mimésis, Cinémaction ou Mise au point et dirige la revue numérique Lignes de fuite. Elle prépare actuellement un livre sur David Cronenberg aux éditions Rouge Profond. Elle est par ailleurs scénariste et consultante à l’écriture.

Photogrammes du film Lisières de Grégoire Colin

Caroline San Marin est lectrice, consultante en scénario et scénariste. Elle a en particulier co-écrit le court-métrage Lisières avec Grégoire Colin et travaille actuellement en collaboration avec Tony Gatlif, expériences sur lesquelles se propose de revenir.

Elle interroge la façon dont peut s’envisager le travail en équipe et la création collective du point de vue du scénariste. Elle rappelle que dans le cinéma d’auteur en France le réalisateur a une place prépondérante. Le système de financement est fondé sur cette idée. C’est le réalisateur qui assume l’œuvre pour le CNC. Mais que signifie, être auteur au cinéma ? Caroline San Marin s’appuie alors sur le cours de Michel Foucault au collège de France ayant pour titre « La notion d’auteur » (Dits et Ecrits p. 829-830) dans lequel ce dernier explique les traits qui caractérisent l’auteur :

  • Un niveau constant de valeur
  • Un certain champ de cohérence conceptuelle ou théorique
  • Une uniformité stylistique
  • Une concentration dans le temps

Dans ce cours, Foucault rappelle bien la différence entre l’individu et la notion : un auteur se détache de la personne pour revêtir une fonction. C’est alors que le film peut reprendre sa place dans la création collective au cinéma : être co-scénariste suppose de rencontrer un film, de se mettre au service d’un sujet partagé avec le réalisateur, en associant un travail sur l’intime à un dialogue avec le monde, et ce, pour qu’il y ait un double mouvement : de la fiction vers soi et de soi vers le monde. Ainsi, quand, en 2017, Tony Gatlif a écrit Jam, il a fait l’épreuve de cette dynamique. Son point de départ était l’histoire d’une musique grecque, mais, alors qu’il est en pleine écriture, les attentats de Paris et la crise des migrants, ont transformé son récit et sont venus se glisser dans le film. Pour collaborer avec un cinéaste, il faut avoir une idée partagée du cinéma. Cela nécessite un référentiel commun, une affinité de fond, une confiance mutuelle sur ce que peut le cinéma. Avec Grégoire Colin, ils se sont retrouvés sur l’idée que le cinéma peut faire exister les rapports de force autrement que par l’illustration. Le référent commun était L’Impasse de De Palma.

Au moment de l’écriture, le scénariste devient un accoucheur qui aide le réalisateur à révèler le véritable sujet du film. Il joue aussi le rôle de garde-fou pour éviter de s’éparpiller. Enfin, le scénario doit rester ouvert, s’il ne veut pas nier le travail des autres collaborateurs d’un film ; il doit donner assez d’éléments pour qu’il puisse muter au tournage et au montage. Pour autant, il fixe déjà les grandes images qui structurent le film.

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