Le métier de bruiteur

Séance du 23 mai 2019, ENSAV, salle arts du spectacle, 14h à 17h

Alain Cure est ingénieur du son cinéma, mixeur cinéma, compositeur de musique de film.

Annie Dissaux, également metteur en scène, est réalisatrice des vidéos présentées :

– Interview d’un grand bruiteur français Eric Grattepain.

– Inauguration du studio COB à Liège avec quelques exemples de fabrication de bruitages.

 

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Eric Grattepain dans son studio, Studio COB, à Liège                                © photo Annie Dissaux 2019

Eric Grattepain est l’un des bruiteurs français les plus reconnus. Il a monté un studio en région parisienne. Il a également construit un studio de bruitage à Liège en 2018. Annie Dissaux a filmé, avec Alain Cure qui a lui enregistré le son, huit heures de rushes dans le studio d’Eric Grattepain dont elle va nous montrer quelques moments privilégiés. Ces scènes filmées vont nous permettre d’observer de près le vécu brut d’un bruiteur.

Ces extraits sont commentés par Alain Cure et Annie Dissaux.

Tout d’abord, dans un entretien mené par Alain Cure, Eric Grattepain raconte son parcours : Son premier métier consistait à charger les bobines cinéma pour un bruiteur et de temps en temps ce bruiteur avait besoin d’un coup de main; c’est ainsi que le vieux professionnel à pu repérer le potentiel du jeune homme. Eric Grattepain parle aussi de l’évolution du métier, des studios qui se délocalisent. De plus en plus, les réalisateurs écoutent le travail de loin avec le monteur son ce qui tente à transformer les méthodes de travail.

On comprend également que lors du tournage du film, la prise de son directe se concentre sur les voix. Le travail du bruiteur consiste surtout à recréer les présences. Le bruiteur rejoue la séquence en plusieurs étapes pour redonner progressivement du son aux corps des acteurs et à leurs prolongements, en épousant leurs rythmes. Il est concerné par tout ce qui est en relation avec le corps humain, ce qui en fait un métier différent de celui du monteur son qui s’occupe lui des ambiances pré-enregistrées ou recueillies et dans des banques de son.

Dans les rushes, on découvre dans le détail le studio COB, studio de bruitage qu’a fait construire Eric Grattepain, avec un étage, pour permettre les présences entendues du dessous ou du dessus, une pièce principale avec plus de résonnance, une « cabane » pour des prises de son plus mattes (qui imitent les situations extérieures), mais aussi un bassin, une voiture, une cuisine… Sans parler des nombreuses mallettes et des valises emplies d’accessoires, permettant au bruiteur de faire son travail.

Dans une autre séquence est mis en évidence le couple ingénieur son et bruiteur. En effet, le bruiteur est statique devant le micro et c’est l’ingénieur du son qui spatialise le son, en utilisant trois micros, un à proximité, un « moyen » à 4 ou 5 mètres et un « grand air », le plus loin possible, et en les mixant. Ingénieur son et bruiteur constituent un couple essentiel. Quasiment pas de temps pour les erreurs et les reprises, la première prise est de préférence la bonne. Durant huit heures par jour en studio, le bruiteur et l’ingénieur du son partagent une même concentration sur un travail à la mécanique subtile ; ils doivent pour bien travailler avoir développé une grande confiance l’un en l’autre. D’autant que le numérique et les contraintes financières ont changé le processus de production. L’équipe s’est peu à peu réduite ainsi que le temps dédié à la fabrication de la bande sonore.

Enfin, on découvre un exemple du travail sur une séquence de pas dans la neige.

Le mixage d’un long-métrage dure environ 5 jours et le bruiteur ne réutilise quasiment jamais les sons qu’il a fait. Le bruitage est un travail effectué « en live » dédié à chaque film, qui garde cet aspect unique, au plus précis de l’instant, au plus près des corps. C’est un métier qui touche à l’ancestral autant qu’à la modernité. Les gestes du bruiteur conservent encore la tradition des débuts du cinéma parlant. « C’est avant tout l’intention du geste de l’acteur que traduit le bruiteur » précise Eric Grattepain.