Les stars françaises contemporaines à Hollywood

Séance du 8 novembre 2018

Jules Sandeau est docteur en études cinématographiques (Université Bordeaux-Montaigne) et actuellement ATER à l’université Paul-Valéry-Montpellier. Sa thèse portait sur l’évolution de la persona de Katharine Hepburn et sa réception aux États-Unis. Ses travaux se consacrent principalement au cinéma hollywoodien classique et contemporain.

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Jules Sandeau commence par une introduction méthodologique dans laquelle il rappelle notamment la définition d’un concept clé des stars studies, celui de « persona », qui désigne l’image médiatique d’une star par opposition à sa véritable identité. Dans son ouvrage Stars, Richard Dyer insistait déjà sur le fait que cette image n’était pas façonnée uniquement par les rôles tenus par la star à l’écran, mais aussi par des matériaux extra-filmiques comme les entretiens, les photographies ou les publicités. À la suite de Dyer, Jules Sandeau insiste également sur le fait que la persona d’une star contient une multiplicité de significations qui peuvent entrer en tension, voire se contredire les unes les autres, mais que incohérence est plutôt un atout, dans la mesure où elle permet notamment de séduire des publics différents qui peuvent choisir ce qui leur parle le plus dans l’image de la star.

Jules Sandeau annonce qu’il se concentrera ici sur les stars transnationales (c’est-à-dire qui circulent physiquement entre des industries de différents pays), à travers le cas de Marion Cotillard et de sa carrière hollywoodienne.

Après avoir rappelé le rôle décisif de La Môme (2007) dans le succès de Marion Cotillard aux États-Unis, Jules Sandeau fait l’hypothèse que grâce à une image ambivalente qui articule francité et d’américanisation, que Marion Cotillard a réussi à rester populaire au États-Unis. En effet le Star system est un « système de différences et de distinctions », au sens où les stars doivent se distinguer des autres pour avoir de la valeur sur le marché. Être française peut donc constituer un atout dans ce cadre, mais peut aussi devenir un handicap si cette francité reste trop rigide et se réduit à un stéréotype.

À la sortie de La Môme, les journaux américains renvoient comme de coutume la star française à sa francité (« une sirène française », « un charme français typiquement aguicheur », etc.). Mais tout en étant un film patrimonial français centré sur une star française (Edith Piaf), La Môme est en même temps un film tourné vers les États-Unis. notamment parce qu’il met en scène une française qui « tombe amoureuse des États-Unis ». Il facilite également l’adaptation de Cotillard outre-Atlantique en tant que biopic musical qui mobilise les conventions hollywoodiennes de ce genre.

Dans la suite de sa carrière hollywoodienne, Marion Cotillard entretient cette image ambivalente : elle s’appuie sur ses origines françaises et s’inscrit dans une tradition de représentation des françaises à Hollywood, tout en américanisant son image dans ses rôles (maîtrise de la langue, choix de rôles qui la rapprochent de stars hollywoodiennes de la période classique, etc.) et dans ses déclarations aux journalistes américains (elle explique qu’elle adore vivre à New-York, qu’elle se reconnait dans les valeurs américaines, etc.). L’ambivalence de son image lui permet ainsi de rencontrer un succès durable en incarnant à la fois l’étrangère irréductiblement « autre » et l’immigrante qui s’assimile.

 

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